Sèche Bonnet EEG

Sèche Bonnet EEG

Un Sèche Bonnet EEG pour le service de Réanimation Néonatale du CHUGA**.

 

Suite à une demande urgente du service de réanimation néonatale, nous avons conçu et imprimé ce support suivant le « cahier des charges » du CHUGA **.

  ** CHU Grenoble-Alpes

Suite à notre action pour la fourniture de visières anti-postillons, la team Gre-Nable a rapidement conçu et imprimé ce modèle de support de bonnets EEG, adapté au besoin exprimé par le service achat qui ne trouvait pas de solution satisfaisante chez ses fournisseurs habituels pour faire sécher les bonnets pour nourrissons.

Ce sèche bonnet n’est pas un équipement médical, mais un support utilisé après le lavage des bonnets.  L’utilisation par les professionnels est sous la responsabilité de leur encadrement.

Expression du besoin :

  • formes simples facilitant le démontage et la désinfection du support
  • diamètre de la tête (80 à 90 mm)

 

Réalisation :

  • Réalisation avec 4 pièces simples, de dimensions paramétrables pour autoriser une rapide mise à l’échelle en cas de nécessité
  • Pièces démontables, faciles à aseptiser
  • Base en-clispable pour former un ensemble cohérent

 

Deux arceaux qui s’imbriquent, un anneau de maintien (tel un cercle de grand-collet de tonneau), et une base avec tenon-mortaise pour en-clipser les bases entre elles.

Matrice de 4 bases qui sera plus facile à manipuler (la masse d’un sèche bonnet est de quelques dizaines de grammes).

Le Vélo de Mélina

Le Vélo de Mélina

Adapter le Vélo de Mélina

 

L’ergothérapeute de Mélina s’inquiète pour la position de la colonne vertébrale de la petite fille qui fait du vélo en situation complètement déséquilibrée, puisque son bras gauche (victime de l’agénésie) est bien plus court que le bras droit. Un bras de type Unlimited tel que nous l’avions imprimé pour Mattéo n’est pas envisageable, car Mélina a une main-bote avec trois doigts, à angle droit sur son avant bras.

E-nable France nous a matchés sur ce cas spécial, qui nécessite un développement très spécifique.

L’ergothérapeute avec les moyens du CHU, avait bricolé un début de solution qui avait le mérite de nous montrer comment corriger la stature de Mélina sur son vélo.

Evaluation du besoin

Nous avons donc rencontré Mélina et son papa au CHU avec l’ergothérapeute pour comprendre les capacités de l’enfant en terme de tenue de guidon, longueur de bras à compenser pour avoir les épaules à la bonne position, et installation de la future solution sur le guidon du vélo. Effectivement, ce sera un cas plus compliqué que d’habitude. La main ne pourra pas être insérée dans un emboitement, mais devra se reposer sur un berceau adapté.

Empreinte de la main et de l’avant-bras

Processus courant désormais lorsqu’il s’agit de créer un appareillage spécifique, nous réalisons un moule de la main dans une bouteille remplie d’alginate. Puis nous coulons du plâtre de modèle ou du plâtre synthétique pour obtenir la copie du membre, et nous scannons la main en plâtre.

L’opération suivante consiste à transformer le mesh obtenu via le scan (au format STL) dans un format T-spline utilisable par la CAO.

Visualisation réaliste du scan de la main en plâtre

transcription du scan (mesh) en surface modélisée pour la CAO (via un passage en format STEP)

Cahier des charges

 

  1. La main avec ses 3 doigts constitue un bon système de préhension du guidon de vélo (même si on sait que cette main ne sera pas directement sur le guidon),
  2. Il faut privilégier la position du bras gauche en parfaite symétrie avec le bras droit, et les épaules doivent rester alignées,
  3. Les trois doigts qui peuvent pincer, mais pas se plier, doivent assurer le maintien du guidon,
  4. La distance entre le guidon du vélo et notre future appareil doit être ajustable, car nous ne savons pas quelle longueur considérer, et Mélina va grandir,
  5. Sécurité : en aucun cas, le système doit rendre captive la main de Mélina en cas de chute. Mélina avec son appareil doit avoir les mêmes capacités à se rattraper si elle tombe que sans notre appareil.

 

Solution retenue

 

  • Puisqu’un emboitement de type MTH (voir les articles précédents relatifs au MTH) n’est pas envisageable, nous ferons un berceau dans lequel viendra se reposer la main avec les doigts autour d’une poignée,
  • Attendu que la main doit être libre, les doigts de Mélina auront la charge de tenir la poignée, ce qui signifie que la position de cette poignée sera définie une fois le berceau dessiné, et en intégrant la main numérisée dans le berceau pour avoir la position précise de la poignée. L’outil de CAO Onshape permet ce genre de conception (intégration d’un ‘derived‘ dans un modèle de conception (part studio),
  • La position ajustable de notre appareil sur le guidon du vélo impose de trouver un système à multiples degrés de liberté. Qui dit degrés de liberté multiples dit rotules !! Nous maitrisons la réalisation de rotules, mais le fait que ce soit un élément porteur du bras de Mélina nous impose de trouver une solution robuste, si possible à base de matériau plus solide que le PLA,
  • Et l’idée jaillit : détourner l’usage premier d’un système à rotules utilisé pour le maintien d’appareil photo sur le guidon de moto. Ces rotules (boule de 1 pouce) connues sous le nom de la marque RAM, sont disponibles (des copies) chez Aliexpress à des prix abordables.

Barre de maintien et de serrage, différentes longueurs disponibles

Rotule de un pouce, choix retenu : embase carré.

de l’arc de cercle.

Les limites début et fin du berceau (limites de la fonction sweep) sont ajustées en fonction de la main.

Recherche de la tangence à la main et sweep du profil du berceau (vue avec coupe)

Le berceau une fois imprimé, le flanc sur le miroir et des supports pour supporter le haut qui déborde.

Le berceau du proto. Lors de l’essai in situ, il a été jugé trop long.

Le berceau final, beaucoup plus court, en PLA violet glossy (couleur choisie par Mélina).

Poignée

 

La poignée que tiendra Mélina sera imprimée en flexible comme une poignée standard de vélo. Un axe métallique (boulon + tube) permet de rigidifier le système qui est monté à 90° du berceau.

Poignée en flex + tige support

Poignée montée sur berceau

Ensemble berceau + main

Support sur le guidon

 

Après modélisation sur Onshape, des éléments achetés chez Aliexpress, les pièces modélisées sont incorporées dans le Part Studio pour créer les points de fixation au berceau.

Parmi les composants disponibles chez le vendeur, l’option est prise d’un socle carré supportant la boule de un pouce (diamètre 25,4mm).

Les flasques qui enserrent les rotules auront une hauteur de 60 mm, la simulation de tout le montage sur la CAO confirme que les contraintes de longueur seront respectées.

Pour la fixation sur le guidon du vélo, un étrier métallique associé à la boule inférieure fait l’affaire.

Support 100% RAM

Support renforcé (en aluminium) fabriqué par le hackerspace.

Ensemble berceau + support

Lors de l’essai sur le vélo de Mélina, nous avons vérifié si les efforts que Mélina allaient appliquer sur le pseudo-guidon pouvaient faire bouger les flasques sur les rotules. Pour ce faire Fabien a utilisé toutes ses forces pour serrer les flasques jusqu’à créer une micro fissure sur une d’elles.

Le site d’Aliexpress stipulait que les flasques seraient en aluminium ou en plastique moulé, mais les caractéristiques fantaisistes affichées sur le site, nous ont décidées à concevoir et fabriquer nous mêmes ces flasques.

Une fois modélisées, et grâce au Fablab de Philippe, les flasques ont été fraisées dans de l’aluminium et ne risqueront plus d’être fendues. Après une peinture noire glossy, on les dirait sorties d’usine.

 

Premiers essais sur le vélo de Mélina

 

Il n’aura fallu que quelques minutes d’adaptation, pour que Mélina prenne ses repères avec ce nouveau guidon. Aidée par l’ergothérapeute pour trouver le bon réglage du support, réglage facilité par le système à deux rotules, Mélina a pour la première fois fait du vélo avec les épaules dans le même plan.

Succès total pour l’équipe team gre-nable + l’ergothérapeute, car la finalité du système fait ses preuves

Mais le montage est perfectible. Le berceau est trop long et le coude touche le berceau. Donc, coups de scie et de lime pour réduire sa longueur. Les essais avec ce nouveau berceau sont concluants, Mélina est à l’aise et ne ressent aucune gêne.

Version finale avec les améliorations

Suite aux essais sur site, réduction de la taille du berceau, un nouveau design de berceau est réalisé pour libérer le coude de tout contact. Entre temps nous avons remplacé les barres de maintien moulées (provenance Aliexpress) par nos propres barres en aluminium.

Livraison et essais

Mélina a adoré la couleur violet brillant du support, les caches boulons en flexible …….. et dès le premier tour de piste, elle a été conquise.

Son inquiétude :  » … et quand je vais grandir ? », réponse bien évidente :  » tu nous recontactes via e-nable france ».

Bonne route, en faisant quand même attention car il n’y a qu’un frein à son vélo.

 

Emboîture pour clavier et écran tactile

Emboîture pour clavier et écran tactile

Projet open source :

Ce développement, comme tous ceux de la Team Gre-Nable, est open source. Nous expliquons dans ces articles pourquoi et comment ils ont été effectués, les raisons de nos choix comme les démarches et les outils employés, et les modèles 3D sont disponibles sous l’environnement Onshape (accès gratuit pour les modèles publics). Le présent développement est accessible sur Onshape dans le document « team Gre-Nable.fr : manchon Jean« .

La situation de Jean… 

Jean est un adulte atteint d’une agénésie du bras droit. Il dispose de son coude et d’un avant-bras d’environ 9cm de longueur, de forme très conique et se terminant par un petit « bourgeon » de chair… qu’il a pris l’habitude d’utiliser entre autres pour accéder aux touches de son clavier d’ordinateur. Et il faut avouer qu’il est impressionnant de « dextérité ». Mais l’usage de plus en plus intensif de l’ordinateur pour son travail finit par le blesser et générer des douleurs dans ce petit « doigt ». Il aimerait donc protéger sa peau tout en conservant la dextérité qu’il a acquise à la manipulation du clavier. Il a déjà consulté deux ou trois professionnels qui lui ont fabriqué des appareils, qui finalement ne lui conviennent pas. Il prend alors contact avec la Team Gre-Nable.

 

Prise d’empreinte

Une séance de moulage à l’alginate permet d’obtenir un modèle en plâtre de l’avant-bras et du coude de Jean. Noter sur l’image ci-dessous les nombreuses bulles qui ont été piégées dans les poils du bras lors du moulage, ce qui génère ces petites « billes » réparties en surface du modèle en plâtre. Celles-ci ont été retirées très facilement avec une lame de cutter. On distingue très bien en partie haute le « doigt » que Jean utilisait jusqu’ici pour taper au clavier de son ordinateur. En partie basse de ce moulage, la légère restriction de section est due à la présence d’un élastique qui avait pour but de marquer clairement la localisation du coude lors du moulage. Cette restriction sera supprimée (lissée) entre l’opération de scanning 3D et la reconstruction du volume CAO.

Modèle en plâtre coulé à partir du moule en alginate.

Comparaison de deux scanners 3D.

Ce modèle en plâtre est numérisé avec un scanner 3D. Nous avons profité de cette occasion pour comparer le scanner iSense (voir aussi  https://3dscanexpert.com/structure-sensor-review-part-1/)  avec un scanner professionnel haut de gamme HandyScan 700 .

Le Handyscan sera considéré comme la référence, avec une précision annoncée bien inférieure à 0,05mm sur ce type d’objet.

Il apparaît que le iSense donne des résultats suffisants pour cette application (précision inférieure à 0,7mm, moyenne autour de 0,5mm)  dans la plupart des zones à faible variation de courbure, par contre, dans les zones plus accidentées, les erreurs peuvent atteindre près de 2mm. Mais puisque nous prévoyons l’insertion d’un gant de confort d’épaisseur de 3mm (tissu 3D bleu visible sur l’image d’entête de cet article à proximité du coude de Jean : la procédure de fabrication ce gant de confort est décrite dans cet article), et que nous pouvons aussi compter sur l’adaptabilité des chairs au contact de l’emboîture, il semble que la qualité du iSense sera suffisante pour numériser ce modèle en plâtre.

Attention, une numérisation directe du bras aurait probablement généré des variations dimensionnelles plus importantes. Nous conserverons le scan précis du Handyscan puisque nous l’avons.

Un modèle CAO volumique sera créé sur la base de cette numérisation 3D, et exporté en format STEP en vue d’une utilisation dans le logiciel Onshape.

 

Modélisation de l’emboîture

Deux nouveaux modèles sont générés grâce au logiciel VXelements (logiciel associé au scanner Handyscan de Creaform), avec des décalages de surfaces de 3mm puis de 5mm. Nous souhaitions tester ces fonctionnalités dans VXelements (et nous en avons été très satisfaits) néanmoins ces décalages de surfaces et la génération des nouveaux volumes auraient pu se faire avec d’autres outils de modélisation, soit sur le modèle STL (avec Meshmixer par exemple), soit sur le modèle STEP reconstruit (Fusion360, Onshape, etc…). Vous pouvez consulter notre article « Création d’un Multi-tool holder » pour un exemple d’utilisation de la fonction « Offset de surface » dans Onshape.

Les trois modèles volumiques obtenus, que nous appellerons « bras« , « bras+3 » et « bras+5 » sont importés dans Onshape au format STEP. Une opération de soustraction volumique entre « bras+3 » et « bras+5 » permet d’obtenir une emboîture avec un épaisseur de 2mm d’épaisseur, distante de 3mm du bras. 

emboiture

Bras et emboîture initiale

 

Dégagement du petit doigt

Un décalage supplémentaire de surface, suivi de quelques découpes et de ré-assemblages de volumes nous permettent à ce stade de dégager un espace en bout d’emboîture, qui évitera le contact entre le doigt de Jean et l’emboîture. Cette protection est l’élément principal du « cahier des charges » qu’il nous a transmis, nous y accordons donc une attention particulière !

Nous ajoutons ensuite un « doigt » artificiel, qui sera muni d’un embout en matière flexible (NinjaFlex ici) pour permettre d’atteindre en douceur les touches du clavier d’ordinateur.

Emboîture et doigt, vue externe.

Préparation du tissus 3D, et place créée pour le doigt de Jean qui ne sera plus blessé.

Emboîture et doigt, vue en coupe.

Tissus 3D : dégagement pour le doigt.

Adaptation pour écran tactile

Jean a probablement comme beaucoup d’entre nous un smartphone ou une tablette avec écran tactile. Pourrait-il profiter de ce doigt artificiel pour manipuler les applis sur ce type d’écran ? 

J’avais étudié cette question il y a quelques mois, et j’étais arrivé à la conclusion que ce devrait être possible. En effet la plupart des écrans tactiles actuels sont capacitifs, et en parlant sans termes trop techniques (que je maîtriserais pas d’ailleurs !) les écrans détectent une variation de potentiel générée par une légère fuite d’électrons lorsque le doigt touche de la surface sensible. Il « suffirait » donc que l’élément terminal (en l’occurrence le tampon à l’extrémité de notre doigt artificiel) soit  relié à une masse électrique suffisante pour se charger électriquement lors du contact. La solution est donc…

  • de percer un petit canal à l’intérieur du doigt artificiel pour y passer un fil électrique souple,
  • de remplacer notre embout imprimé en Ninjaflex par un embout conducteur électrique récupéré sur un stylet de smartphone,
  • et de relier le fil à une masse métallique, ou éventuellement au contact de la peau de l’utilisateur.

Canal dans l’embout pour passage d’un fil électrique

Fil électrique sortant vers l’embout conducteur

L’embout de stylet mis en place

Masse électrique en papier d’aluminium

Fil électrique en tant que masse

L’embout de stylet de smartphone a été pris sur un stylet de ce type.  Les tests montrent que le contact direct avec la peau de l’utilisateur n’est pas nécessaire. Qui plus est, le papier d’aluminium n’est pas indispensable non plus. Le système fonctionne très bien avec seulement un tour de fil dans l’emboîture, fil qui est situé à environ 3mm (l’épaisseur de mousse « tissus 3D » de confort) du bras de Jean. 

Résultat des premiers tests

La deuxième entrevue avec Jean (après la prise d’empreinte) a été vraiment satisfaisante. Il restait à imaginer une manière de bien maintenir l’emboîture proposée autour de son avant-bras. Les premiers tests ont été effectués en plaçant deux morceaux de Velcro adhésif sur le bord de l’emboîture, et en plaçant une autre bande de Velcro autour de son bras. Les vidéos suivantes prises lors de la première minute d’usage dans chaque contexte (clavier et écran tactile) montrent que Jean réussira sans aucun doute à bien s’approprier ce nouvel outil… si ce n’est déjà fait dès ce moment.

 

Premier test de Jean sur son clavier.

Premier essai de Jean sur son écran tactile. Voyez avec quelle fluidité il zoome avec son pouce gauche et son « index » droit !

Maintien de l’emboîture sur le bras

La forme très conique de l’avant bras de Jean ne permet pas un maintien efficace par simple serrage dans cette zone. Les premiers tests ont montré la faisabilité d’un maintien par une sangle autour du bras, mais nous cherchons une solution plus facile à enfiler, et qui éviterait un serrage localisé certainement peu confortable.

Il semble alors que la proposition de Dominick Scalise d’utiliser un manchon en tissus pour certaines prothèses puisse convenir ici. Un premier test est effectué en découpant une chaussette… cela semble bien fonctionner, et nous proposons à Jean, par mail, de tester lui-même cette solution avec l’emboîture qu’il utilise. 

Pendant ce temps, nous proposons aussi une version d’emboîture imprimée en TPU (matériau semi-flexible) plutôt qu’en PLA, afin d’améliorer encore le confort. N’oublions pas que Jean souhaite utiliser cet appareil quotidiennement plusieurs heures par jour. 

Lors de notre troisième entrevue, Jean nous présente la solution de fixation qu’il a trouvée : il a remplacé l’idée de la chaussette par une chevillère (utilisée habituellement en cas d’entorse) qui procure un serrage homogène et très efficace. Il suffit de trouver la bonne dimension, et il utilisera ou non les sangles élastiques complémentaires qui sont livrée avec.  

La version d’emboîture en TPU semble le séduire côté confort, et il envisage d’en réduire la longueur, voire d’y découper une fente sur le côté… ce que nous faisons sur place.

Version imprimée en TPU et fendue. Noter le « gant » en tissus 3D.

Maintien par chevillère (il faudra peut-être utiliser la taille en dessous)

Un Bras pour un Enfant

Un Bras pour un Enfant

Qui est Matteo ?

 

Son agénésie

Mattéo est un enfant tout à fait comme les autres. Il est juste né avec une partie du bras droit seulement. Son avant-bras s’arrête en effet environ aux 2/3 de la longueur, il n’a donc pas de poignet, main ou doigts. Mais comme probablement la plupart des enfants dans ce type de situation, Mattéo a appris à vivre, à se débrouiller avec sa main gauche et son bras droit, il fait du vélo, écrit à l’école comme les autres enfants, fait du judo dans un club, etc… Donc cette prothèse qu’il nous demande n’est absolument pas vitale pour lui, elle ne sera qu’une aide dans certaines situations lorsqu’il en ressentira le besoin.

Quel modèle de prothèse ?

Les plupart des prothèses conçues et réalisées par les makers de e-Nable sont destinées à des enfants disposant d’un poignet et d’une partie de la paume de la main, mais « amputés » des doigts. Les modèles classiquement adaptés à ces pathologies sont donc des modèles tels que Raptor Reloaded ou Phoenix. La plupart des makers impriment les modèles disponibles, avec une mise à l’échelle, quelques adaptations et une décoration selon les goûts de l’enfant.
D’autres makers proposent régulièrement des améliorations ou approches différentes comme par exemple la Flexy hand. Tous ces modèles utilisent un mouvement de flexion du poignet de l’enfant pour tirer sur des câbles, ce qui permet de fléchir les doigts afin d’obtenir le mouvement de préhension du pouce opposé aux 4 autres doigts de la prothèse.

Mais pour Mattéo, qui n’a pas de poignet, il nous a été proposé de partir d’un modèle mis au point par un binôme d’anglais, Drew Murray et Stephen Davies, le Unlimbited Arm, qui se base sur la main Phoenix en y ajoutant une sorte de gouttière pour accueillir l’avant-bras de l’enfant, et une jointure au niveau du coude avec une manchette qui s’accroche au bras. C’est donc le mouvement du coude qui va piloter, à distance via des câbles plus longs, la préhension des doigts. Un élément important, Drew et Stephen n’ont pas seulement proposé une nouvelle configuration avec commande par le coude, ils ont aussi mis au point une procédure de mise à l’échelle basée sur 4 mesures caractéristiques de la morphologie du patient, et tout ceci est encapsulé dans un fichier OpenScad.

 

C’est parti…

Forts de nos premiers prototypes et des données disponibles pour le bras Unlimbited Alfie, nous appliquons la méthode de dimensionnement et imprimons les premières pièces.

Pièces trop longues

Il apparaît rapidement que l’avant-bras sera plus long que 200mm… il faut donc modifier une de nos machines pour pouvoir l’imprimer, ou l’imprimer en 2 parties qu’il faudra ensuite assembler.
Patrick développe quelques solutions d’assemblage par des tiges composites, pendant que Philippe allonge son plateau d’imprimante. La longueur d’impression obtenue (232mm) s’avère suffisante, c’est donc cette solution qui sera retenue puisque sensiblement plus simple de mise en œuvre. Ce problème de longueur est momentanément résolu pour Mattéo, mais reste entier pour imprimer un avant)bras plus long. Nous mettons donc en chantier, une version de l’imprimante qui permettra d’avoir une longueur d’impression de 300mm suivant l’axe Y.

Intégration d’un palonnier

Les modèles historiques de e-Nable sont munis d’un boitier contenant 5 tiroirs auxquels sont accrochés les tendons, ceci pour régler séparément la position de repos de chaque doigt et pour qu’ils se ferment à peu près simultanément. Le problème de cette solution est que lorsqu’un des 4 doigts arrive au contact de l’objet que l’enfant veut prendre, le mouvement de commande est arrêté par ce tendon sous tension, les autres doigts ne peuvent plus progresser, l’objet est donc porté entre le pouce et un seul autre doigt, ce qui limite l’efficacité de la prise.

Le bras Unlimbited reproduit ce principe en fixant le boitier tendeur au niveau du biceps. Mais John Diamond a proposé pour la commande d’une main Phoenix l’introduction d’un whippletree  (palonnier) qui permet aux 4 doigts de venir en contact et de répartir leurs efforts sur un objet de forme potentiellement assez complexe. Regardez la vidéo  pour en comprendre le fonctionnement (et nous présenterons plus loin une vidéo démontrant le fonctionnement de notre dernière version de palonnier). Nous adaptons donc ce palonnier pour qu’il puisse être fixé sur le haut du bras Unlimbited:

Friction trop importante

Une nouvelle difficulté apparaît : le fonctionnement du palonnier nécessite qu’un même fil (tendon) relie deux doigts voisins en passant par le palonnier. Lorsqu’un des deux doigts est bloqué par l’objet, pour que le doigt associé puisse poursuivre son mouvement le tendon doit coulisser à travers tous les chemins qui le mènent au palonnier, coulisser dans le chenal circulaire du palonnier, et coulisser encore dans le chemin retour jusqu’à la main et au doigt. La complexité du trajet effectué entre doigt et biceps, et la tension du tendon, génèrent des frottements importants, qui n’empêchent pas la main de fonctionner mais nécessitent des tensions importantes, et donc de gros efforts sur le fil, sur les nœuds, et potentiellement une usure rapide des pièces en plastique sur le trajet du tendon. Nous allons donc analyser le problème et tenter de réduire ces frottements.

Les modifications apportées sont publiées sur cette page afin que d’autres makers e-Nable puissent s’en inspirer pour leurs prochaines prothèses de bras.
Elles consistent en résumé :

  • à simplifier autant que possible le trajet des tendons entre les bouts de doigts et le boîtier tendeur situé sur le biceps (limiter les virages inutiles et guider les tendons dans des tubes en Téflon),
  • à déplacer le palonnier dans la paume de la main, donc au plus près des doigts afin que les tendons coulissent sans difficulté entre deux doigts associés.

Le fonctionnement du nouveau palonnier est visible sur cette vidéo.

 

Adhérence de la main sur les objets manipulés

Lors des tests de nos premiers prototypes, qui ont été envoyés à l’association pour que nous puissions être des « makers validés », nous avons constaté que la plupart des objets que nous tentions de manipuler avec notre main en PLA glissait entre le pouce et les doigts, et sur la paume… Voici par exemple la paume de la main imprimée selon le modèle « Team Unlimbited »:

C’est une surface ajourée, mais plane au départ, en plastique rigide et lisse. Elle est prévue pour être thermoformée, c’est à dire chauffée (avec un sèche-cheveux par exemple) et mise en forme pour faciliter l’insertion du moignon du bénéficiaire en fonction de sa morphologie. Mais une fois mis en forme, elle redevient rigide. Il était dans nos tests presque impossible de se servir de cette main pour tenir un gobelet, ou tout autre objet similaire. Nous souhaitions donc, pour la version que nous allions livrer à Mattéo, améliorer l’adhérence des doigts sur les objets manipulés.

Pour les mains de grande taille (ados ou adultes) il est classique chez e-Nable d’utiliser des doigtiers en silicone, comme ceux-ci-contre. Mais dans le cas de Mattéo, la plus petite taille de doigtiers que Patrick a commandée est encore beaucoup trop grande. Pour la paume, d’autres modèles disposent de paumes rapportées en cuir par exemple et fixées par des vis.

Nous avons tenté de placer des élastiques ou des joints toriques dans des rainures autour des doigts, mais l’adhérence reste trop faible, et les élastiques ne restent pas dans les rainures. Grâce à une imprimante à double buse, nous avons imprimé des doigts bi-matériaux, munis d’une zone rigide pour la transmission d’effort, et d’une épaisseur en matériau « souple » pour améliorer la surface de contact. Divers essais ont été effectués avec du FlexiFil, du FilaFlex, du FlexPLA, du NinjaFLexOn aperçoit sur l’image suivante en transparence une zone imprimée en matériau souple.

Mais nous souhaitions aussi proposer une solution ne nécessitant pas de double buse, car beaucoup de makers n’ont pas cette option sur leur machine. Nous avons rainuré le bout des doigts… Appliqué une sorte de peinture caoutchouc sur le bout du doigt (PlastiDip), soit sur du PLA rigide, soit sur du souple. Une dernière phalange toute en souple n’est pas assez rigide, mais la couche caoutchouc semble bien efficace sur le Ninjaflex…

La solution finalement adoptée est publiée en détails sur cette page, elle consiste en une phalange distale en 2 parties imprimées séparément et emboîtées l’une sur l’autre, une paume un peu travaillée au niveau de la forme et des matériaux (structure en plastique rigide, et surcouche de 1 à 3mm de plastique souple), et des petits coussins complémentaires sous les phalanges proximales, le tout couvert de PlasdiDip. Avec cette nouvelle main nous avons pu porter des objets relativement lourds comme par exemple un mandrin de perceuse électrique.

Ce qui a « magnétisé » Mattéo

Le petit plus technique dont nous avons pu faire la surprise à Mattéo consiste à intégrer un petit aimant néodyme (assez puissant) dans le bout de l’index. Cela lui permet de prendre des petits objets en fer juste en approchant son doigt (un trombone, une clef, un porte-clefs, un petit tournevis,…) ce qu’il ne pourrait pas faire sans cela.

Et du coup, Mattéo a vraiment une main de super héros !!!

Ce qui a « scotché » Mattéo

Le petit plus esthétique enfin, sa Maman nous ayant dit qu’il était passionné de Spiderman, c’est la toile d’araignée que nous avons pu coller sur le bras et qui fait un bel effet lorsqu’il tend sa main vers l’adversaire 🙂

Le résultat…

Le modèle final

A partir du modèle colorié décrivant les souhaits de l’enfant (image ci-dessus), le bras final a pu être livré à la date initialement prévue (soit environ 2 mois après la prise de contacts avec la famille de Mattéo). Les finitions ont été faites en présence de Mattéo, vérification de longueur et rivetage des sangles en cuir, mise en place du tissus-mousse absorbant amovible, et mise en place de la toile d’araignée de Spiderman !!

La livraison

Ce fut une belle journée, pleine d’émotions. après avoir ouvert son « paquet cadeau », et une fois les derniers réglages effectués, avec son bras et sa nouvelle main droite, Mattéo nous a montré qu’il pouvait porter un gros paquet de bonbons, faire des combats de sabre avec toute la famille, prendre un anneau de porte-clefs posé sur la table, porter un bocal de Nutella, et même apporter un magnifique bouquet de fleurs le jour de l’anniversaire de sa Maman !!!

 



 

Les jours suivants…

Après… un peu de médiatisation pour susciter d’autres actions similaires… par exemple Mattéo fait la Une du journal local, puis peu de temps après, un passage au 19-20 en premier sujet de France3 Auvergne (visible quelques jours en replay) !

Mais surtout de notre part, à toute la famille de Mattéo…

On vous souhaite, tout le bonheur du monde,
Et que quelqu’un vous tende la main…

et à toi Mattéo, on te souhaite de poursuivre ta vie dans la simplicité et avec la lucidité dont tu as fait preuve en notre présence 🙂

Philippe & Patrick.